Choisissez-vous vraiment vos vêtements ? La science du conformisme vestimentaire

Model wearing a leather in runway on article on Edugance blog

Ouvrez votre placard. Cette chemise que vous adorez, ces chaussures que vous portez sans arrêt, cette veste que vous prétendez être « donc vous »… êtes-vous sûr de les avoir vraiment choisies ? Ou est-ce quelqu'un, quelque part, qui vous a poussé à les porter bien avant que vous n'utilisiez votre carte de crédit ?


Les psychologues se posent cette question depuis des décennies. Dans les années 1950, Solomon Asch a demandé à des personnes d'accomplir une tâche si simple qu'elle en était presque ridicule : comparer la longueur des lignes sur une feuille de papier. La réponse était évidente. Pourtant, lorsque le groupe autour d'eux a délibérément donné la mauvaise réponse, trois participants sur quatre ont fini par suivre, doutant de leurs propres yeux. Si nous pouvons trahir la réalité par des lignes sur une page, est-il plus facile de trahir notre instinct devant un miroir ?


Les vêtements rendent cette tension brutalement visible. Stanley Milgram, le même psychologue qui a plus tard bouleversé le monde avec ses études sur l'obéissance, a remarqué que les gens se conforment souvent non pas par conviction, mais par peur de l'exclusion. Aujourd'hui, ce même mécanisme porte un nouveau nom : la FOMO, la peur de manquer quelque chose. Dans la mode, cette peur est amplifiée par les réseaux sociaux, où l'appartenance semble dépendre du respect des codes vestimentaires. Une couleur trop audacieuse, une silhouette trop sobre, un tissu qui semble déplacé, et soudain, les murmures commencent. Le vêtement en lui-même n'est pas le problème. Le problème, c'est qu'il symbolise l'indépendance, et l'indépendance perturbe le groupe.


Mais le conformisme n'est pas seulement externe. La pression ne vient pas seulement du groupe. Les vêtements nous reconnectent aussi de l'intérieur. En 2012, les chercheurs Hajo Adam et Adam Galinsky ont inventé le terme « cognition habillée ». Ils ont constaté que lorsque les participants portaient une blouse blanche, décrite comme celle d'un médecin, ils obtenaient de meilleurs résultats aux tâches d'attention. Lorsqu'on leur disait qu'il s'agissait d'une blouse de peintre, l'effet disparaissait. Même vêtement, sens différent, esprit totalement différent. Ce que nous portons ne change pas seulement le regard des autres sur nous, il change aussi la façon dont nous nous percevons nous-mêmes.


Le sociologue Pierre Bourdieu aurait appelé cela l'habitus : le système invisible de goûts et de réflexes façonné par notre culture. Cela explique pourquoi ce qui semble être « mon style » naît rarement de nulle part. Le plus souvent, il est le reflet de l'environnement dans lequel nous avons grandi, des magazines que nous avons lus, des amis que nous avons essayé de ne pas décevoir.


Alors, choisissons-nous vraiment ? Peut-être pas autant qu'on voudrait le croire. Mais la conscience est le premier pas vers la liberté. Découvrir les liens invisibles de la publicité, du conformisme et des codes culturels nous permet d'en couper quelques-uns et d'en nouer de nouveaux, de notre propre création.


La prochaine fois que vous vous habillez, demandez-vous : est-ce que je veux ceci ou est-ce que je veux être désiré dans cela ? La réponse pourrait non seulement changer votre tenue, mais aussi votre façon de vivre.

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